27 septembre 2023
06:33

RDC : les « dérives jurisprudentielles » de la Cour constitutionnelle

KINSHASA, le 26 juillet 2023 – « Sous la houlette de la cour constitutionnelle, une +jurisprudence+ qui ne peut faire jurisprudence » est l’intitulé de l’ouvrage du professeur congolais Auguste Mampuya Kanunk présenté récemment au centre Cépas à Kinshasa. Dans ce livre de 169 pages subdivisé en 3 chapitres, l’auteur, l’auteur qui est un éminent professeur de droit et ancien juge ad hoc à la Cour internationale de justice, se scandalise des dérives jurisprudentielles et d’une série d’arrêts rendus par la Cour constitutionnelle de la RDC ces dernières années.

Selon l’auteur, la plus haute juridiction du pays, aurait cédé à la tentation du « le droit c’est moi », par analogie au célèbre « L’État c’est moi » de Louis XIV, ce roi absolu de droit divin, qui pouvait se dire ou se sentir, par la volonté de Dieu, au-dessus de la loi. Le juge constitutionnel, prévient Auguste Mampuya, qui est serviteur de la loi, n’est pas au-dessus de la loi.

A travers de nombreux exemples de ces 5 dernières années, l’auteur démontre que la Cour constitutionnelle, au nom d’un «pouvoir régulateur» autoproclamé et d’une conception mystico-mythique des droits de l’homme, commet et assume des violations de la constitution, en plus de s’attribuer des compétences non prévues par la constitution en méconnaissance des limites de sa compétence réelle.

Avant de se pencher sur une analyse juridique critique et les dangers de ce qu’il qualifie des jurisprudences « contra legem », l’auteur s’inquiétant du sort de sa discipline – le droit –, appelle les juristes praticiens et doctrinaires à la résistance, dans un cri de cœur qu’on peut lire sur les pages 5, 7 et 25 : « En ce qui me concerne, j’avoue n’avoir pas un seul instant hésité, quand il le fallait, à parler de dérives, révolté par ce spectacle qui pousse les gens à se demander à quoi sert le droit, à quoi servent les facultés de droit. On dirait que ça ne fait rien aux juristes que leur confrérie soit devenue la risée de tout le monde, de vieilles mamans écœurées par le droit et qui crient haut et fort qu’en droit on apprend le mensonge aux enfants, on leur apprend à mentir, et autres amabilités de même genre, ni que le juriste soit le bouc émissaire responsable de tous les maux dont souffrent un pays et un peuple jetés dans la misère par l’égoïsme glouton de ses dirigeants ».

Sur le fond,  l’ouvrage revient notamment sur l’arrêt R. Constit. 1879 de la Cour constitutionnelle en date du 20 décembre 2022, en réponse à une requête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). La Cour, tout en affirmant que la CENI n’a pas qualité pour la saisir en interprétation de la Constitution, se dit cependant malgré tout fondée à recevoir la requête lui demandant d’interpréter l’article 5 de la la loi fondamentale sur l’égalité du droit de suffrage pour tous les Congolais, en se basant sur son « pouvoir régulateur de la vie politique ».

Tout en regrettant ces violations assumées de la Constitution par la Cour constitutionnelle est devenue, selon l’auteur, comme « Louis XIV », un roi aux pouvoirs divins et absolus. Par ce fait, le professeur Mampuya estime que la haute cour tient par là,  à juger par défi. En prenant l’exemplaire de l’affaire des poursuites contre l’ancien Premier ministre Augustin Matata (accusé de détournement des deniers publics lorsqu’il était en fonction), l’auteur estime que « tout est fait, tout est consommé, en vertu de la Constitution et de l’arrêt RP 0001 du 15 novembre 2021, lequel est exécutoire et irrévocable ».

Il conclut en appelant le juge constitutionnel au ressaisissement, parce que, rappelle-t-il, persévérer dans l’erreur est diabolique.

Ronsard Malumalu

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