L’écrivain Congolais Patrick Mpuramana vient de publier une pièce de théâtre dans la collection scène des Éditions Andibooks, intitulée « Calice d’Alice ».
Alice fait objet de méprise par sa belle famille après la mort de son époux, succombé d’une « crise cardiaque ». Ils reprochent à Alice d’être « sorcière » et d’avoir pousser son mari à un séjour aux enfers précipitamment par le simple fait qu’elle était au chômage et que toute la charge de la famille était sur les épaules de son mari mais également son attitude au deuil était irrespectueuse préférant pleurer son époux assise au lieu de prouver par des gestes et actes à quel point cet événement douloureux l’avait anéanti.
<< Eh ! Toi femme, tu pleure ton mari assise ? Tu es suspecte. Tu as bouffé ton mari et tu regardes les danseurs. Nous allons te brûler vive, tu verras… Une femme qui a perdu son mari ne pleure pas assise, c’est un sabotage ! Nous avons vu des femmes qui pleurent leurs époux en déchirant même leurs vêtements, mais toi, tu fais semblant de pleurer >>
Extrait de la conversation entre Alice et ses beaux frères à la scène trois du premier acte.
Malgré le fait qu’elle ait clamé son innocence et son amour pour son mari, ses lamentations ne vont pas la sauver de la profonde méprise de sa belle famille. Alice passe pour complice aux yeux de ses beaux frères, car la mort de son époux n’a pas des causes naturelles selon eux, sa belle famille va multiplier des rites afin que leur enfant ne laisse pas tranquille toute personne impliquait dans sa mort.
La famille du défunt cherche l’origine de la mort, par conséquent, elle suspecte toute personne qui a partagé la vie de ce dernier, et même pointé du doigt les autres qui peut-être sont innocents , comme nous pouvons le lire sur la 4ème couverture l’œuvre dans les mots de l’auteur, la famille, comme tant familles africaines chechent donc un bouc émissaire puisque la mort pour de quelqu’un qui était en forme il y a quelques heures ne peut être que œuvre de la sorcellerie
<< Mourir en Afrique donne à penser, à boire, à manger et à vomir. On cherche le bouc émissaire parmi les plus proches >>
La haine, l’opprobre, la convoitise dans cette tragédie l’auteur nous plonge dans une véritable saga familiale, qui va d’une douleur d’avoir perdu un être cher à des situations des conflits et de desamour, notamment sur l’héritage des biens du défunt, des vifs conflits entre deux coutumes qui ne partagent pas les mêmes valeurs, l’une chrétienne et l’autre attachée à des rites et pratiques traditionnelles.
Tout va de l’instant où il faut faire passer Alice à quelques pratiques pour rompre le lien avec son défunt mari ou briser « l’alliance du mariage coutumier» notamment << se faire couper les cheveux et les poils de ses parties intimes en présence de membres de sa famille et de sa belle famille, accepter de passer nuit pendant trente jours à côté des installations hygiéniques sans droit d’un bain pour son corps ni une partie de celui afin de rompre l’alliance la liant à son défunt mari faute de quoi, elle mourrait, elle et ses enfants également >>
Les conditions qui vont mettre en mal sa famille qui considèrent ces pratiques des « diaboliques » et inacceptables pour une famille chrétienne. Entre sauver sa propre vie et celles de ses enfants ou mourir au nom des valeurs religieuses de sa famille, une mort qui viendrait couronner les allégations de ses beaux frères qui pensent qu’elle est à la base de la mort de son mari, le malheur d’Alice est de faire le choix.
Calice d’Alice est une pièce de théâtre composée de trois actes, chacun répartis en scène, six pour le premier, cinq pour le deuxième et quatre pour le troisième et le dernier. Elle pose principalement les problèmes de conflits entre les pratiques traditionnelles et les valeurs religieuses mais également l’un des conflits les plus fréquents de notre société, celui de l’héritage des biens du défunt dans les sociétés africaines traditionnelles.
Patrick Mpuramana est un écrivain RDCongolais, natif de Kinshasa, premier lauréat en 2021 du Prix littéraire international Youve pour son roman Ère vague. Il est auteur des plusieurs œuvres parmi lesquelles nous pouvons citer, « Réminiscences » et « La Verticalité » parues aux Éditions Edilivre, Les « royaumes des moustiques » parue aux Éditions Colline inspirée (Kinshasa /RDC)
Christian Dimanyayi