3 juin 2023
Une pédagogie traditionnelle qui permet d’éduquer les enfants, de se recréer et de tisser les liens sociaux : Ecrivain et conteur congolais Pie Tshibanda revient sur la place du conte dans la culture africaine, congolaise dans une interview accordée à mbbactu, en perspective de la célébration de la journée du conte le 20 mars. De tradition orale, le conte est appelé à évoluer en profitant des inventions du monde « moderne » pour être écrit, enregistré. Il faut former les gens, collecter les contes, les mettre dans un livre avant que ne disparaissent les conteurs, estime-t-il.
Mbbactu : Pie Tshibanda Bonjour. Vous êtes écrivain et l’un des plus grands conteurs de l’Afrique. La communauté internationale célèbre ce 20 mars la journée du conte, que représente le conte dans la tradition et la culture africaine, plus particulièrement congolaise ?
Pie Tshibanda : Bonjour. Il faut d’abord savoir que de manière générale, nous avons une branche qu’on appelle la littérature, et dans la littérature vous avez beaucoup de genres, vous avez le théâtre, le roman, la poésie, le proverbe, le conte, etc. Dans la littérature, chaque genre a son rôle, le conte par exemple dans la société traditionnelle africaine c’était une occasion pour se retrouver le soir autour du feu, avec les enfants, la femme, parfois les voisins pour raconter une histoire. Et quand on raconte une histoire, c’est pour donner une leçon de morale aux gens, aux enfants sans le faire de manière frontale. A la fin, ces derniers s’identifient par un quelconque personnage de l’histoire. Le conte dans notre tradition est une pédagogie qui permet d’éduquer les enfants, de se recréer et de tisser les liens sociaux
Mbbactu : Quelle est la place du conte aujourd’hui dans notre société « moderne »?
Pie Tshibanda : Le conte a une très grande place. Nous en Afrique, nous sommes de la tradition orale. Donc, nous sommes théoriquement les champions du conte mais nous avons tendance maintenant à abandonner le conte alors que sous d’autres cieux, il est très valorisé. Par exemple, à Montréal, il y a une journée du conte, en Belgique il y a un festival du conte, des moments où sont invités les conteurs du monde entier, ils viennent raconter leurs histoires. Ailleurs on sait le mettre en valeur, posez-vous la question, au Congo, est-ce qu’on peut dire, un jour tiens !, on organise une journée du conte ? Ceux qui n’étaient pas des conteurs continuent à le valoriser et nous les conteurs originaires, en Afrique on a d’autres préoccupations maintenant.
Mbbactu : Quel avenir pour ce genre littéraire, y a-t-il un avenir pour le conte ? Va-t-il rester à l’oralité, ou il faut se trouver d’autres mécanismes pour le promouvoir ?
Pie Tshibanda : Non. Le conte ne doit rester à l’oral, on ne doit pas rester figés, le conte doit évoluer. Le conte aujourd’hui peut être écrit, enregistré, il doit profiter des inventions d’aujourd’hui et non resté à l’oralité. Car l’oralité a l’inconvénient de se perdre.
Mbbactu : Comment faire pour continuer avoir des conteurs qui soient à même de transmettre nos valeurs, notre culture et cet art ?
Pie Tshibanda : le conte fait partie de la culture. Il y a un ministère de la Culture au Congo (RDC), on peut organiser des ateliers de contes, apprendre aux jeunes comment est-ce qu’on conte et de manière intéressante, il faut former les gens, collecter les contes, les mettre dans un livre avant que ne disparaissent les conteurs, organiser des spectacles. Et même pendant les prestations de pièces de théâtre, on peut faire de conte pendant quelques instants, faire un mélange du théâtre et du conte. Il ne faut pas attendre que les choses soient faites pour nous par d’autres.
Interview réalisée par Christian Dimanyayi Bende
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